Les institutions de Bretton-Woods:



évolution des rôles et enjeux actuels

Les institutions de Bretton-Woods ont été fondées sur un principe fondamental :
mettre en place un système multilatéral de coopération économique afin de promouvoir le libre-échange et la stabilité monétaire et de favoriser l’expansion économique. La thèse de l’Américain White l’a emporté sur celle de Keynes.
White préconise la constitution d’un simple réservoir des différentes monnaies dans lequel chaque pays peut puiser.
Le système repose sur 3 piliers:
  • toutes les monnaies sont convertibles en dollars américains eux-mêmes convertibles en or; la conversion ne peut être demandée que par les banques centrales.
  • les taux de change sont fixes, les parités peuvent varier de +/- 1% à court terme. A long terme, la parité est ajustable avec l’accord du FMI, pour raisons structurelles.
  • un organisme, le Fonds Monétaire International (FMI) est créé; il doit assurer la distribution des fonds demandés. Chaque pays dispose d’un quota déterminé en fonction de sa place dans les échanges mondiaux.
    Deux autres institutions ont été créées, il s’agit de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (Banque Mondiale) qui contribue au financement des investissements nécessaires au redressement des pays ravagés par la guerre et aux développement des anciennes colonies, et, l’Organisation Internationale du Commerce, destinée à surveiller les restrictions aux échanges internationaux (et qui finalement n’a jamais vu le jour).
    Mais, rapidement, le système est devenu impraticable . Le rôle des institutions de Bretton-Woods a donc évolué et de nouveaux enjeux sont apparus.

    I) L’évolution des rôles

    A) Le FMI

    L’action du FMI est très contestée depuis 50 ans. On peut donc se demander s’il a répondu aux espoirs de ses fondateurs et s’il a su s’adapter aux nouveaux défis internationaux.

    1) Rôle initial

    Les objectifs du FMI figurent dans l’article 1 de ses statuts. Il doit:
  • promouvoir la coopération monétaire internationale
  • faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international et contribuer ainsi à l’instauration et au maintien d’un niveau élevé d’emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives
  • promouvoir la stabilité des changes et éviter les dépréciations compétitives
  • favoriser l’établissement d’un système multilatéral de règlement des transactions courantes et éliminer les restrictions de change qui entravent le développement du commerce mondial
  • veiller à l’application du code de bonne conduite monétaire défini dans ses statuts en assurant « une ferme surveillance » sur les politiques économiques des pays membres
  • mettre à disposition de ceux-ci des ressources financières, à court terme, pour leur permettre de se conformer à ce cadre, tout en corrigeant ou en prévenant les déséquilibres des paiements par des politiques économiques appropriées
  • constituer un forum pour la concertation et la coopération des Nations en matière monétaire.

    2) Evolution des rôles du FMI

    La mission de surveillance du SMI s’est soldée par un échec.
    Tout d’abord, l’équilibre des forces en son sein s’est modifié même si la place des Etats-Unis reste prépondérante. On a assisté à l’émergence de l’Europe et du Japon d’une part qui constituent des forces monétaires nouvelles, et, d’autre part, à la poussée du Tiers-Monde - qui représente 138 pays sur 180 membres du FMI.
    A la fin des années soixante, les difficultés rencontrées par le dollar entraîne l’établissement des Droits de Tirage Spéciaux (DTS), définis comme un panier de monnaies pondérées en fonction du volume d’exportation des pays correspondants et dont la composition peut être révisée tous les deux ans.
    Le FMI peut alors se comporter comme une banque centrale en créant ou en retirant des liquidités monétaires selon la situation économique mondiale.
    En 1971, Nixon suspend la convertibilité du $ en or. Le système s’effondre. Il s’ensuit en 1976, lors des accords de la Jamaïque, un amendement des statuts du FMI qui officialise le flottement des monnaies et renforce le rôle des DTS. L’assistance aux pays en développement est devenue l’activité essentielle du FMI depuis 1982 (crise de la dette).
    Il établit des diagnostiques sur la situation économique de ces pays, donne des conseils sur l’orientation des politiques économiques et octroie des prêts sous conditions, c’est-à-dire des politiques budgétaires et monétaires restrictives à fin d’ajustement structurel (réformes économiques devant permettre le retour à l’équilibre des paiements extérieurs).
    Ayant été fortement critiqué, il a complété son modèle en y incluant des mesures macro-économiques destinées à augmenter l’offre productive (mobilisation de l’épargne vers l’investissement ou flexibilité des taux de change) et des mesures micro-économiques (libéralisation du commerce extérieur et privatisation).
    En 1986 ont été créées les facilités d’ajustement structurel (FAS) et les facilités d’ajustement structurel renforcées (FASR).
    A partir de 1988, il s’est montré favorable à la diminution de la dette et de son service pour les pays qui entreprennent des programmes d’ajustements structurels (Plan Baker, 1985 et Plan Brady, 1989).
    L’aide aux PECO (pays d'europe centrale et orientale)et de la Russie dans la transition vers l’économie de marché s’est accélérée depuis 1990 .
    Cette aide se fait en coopération avec la Banque Mondiale et la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD).
    Il s’agit de stabiliser l’économie et d’entreprendre des réformes structurelles puisque ces pays ne disposent pas des institutions nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie de marché. Le but est aussi d’attirer des investissements étrangers.
    Le FMI propose une diminution rapide du déficit budgétaire et un resserrement de la politique monétaire pour empêcher l’hyperinflation et pour favoriser l’éclosion du secteur privé, la libération des prix et la convertibilité des monnaies, l’abandon de la planification.
    Ces mesures se sont traduites par un effondrement de la production, l’inflation (du fait de la libre détermination des prix en fonction de l’offre et de la demande), une dépréciation importante des monnaies mais de bons résultats ont été constatés en Pologne, Hongrie, République tchèque et dans les Etats Baltes.
    D'ailleurs ils intègrent l'Union Européenne en Mai 2004 .
    Le bilan de l’action du FMI est plutôt positif. Même s’il n’a pas été en mesure de sauvegarder le SMI de Bretton-Woods, il a su maintenir l’esprit de coopération dans les relations monétaires internationales.
    Il a su se reconvertir et s’adapter aux mutations économiques mondiales (assistance aux PVD et aux pays en transition).
    Il a également su faire évoluer ses conseils économiques qui sont désormais plus orientés vers une croissance durable et la lutte contre la pauvreté.


    B) La Banque Mondiale

    La BIRD ou Banque Mondiale est chargée d’accorder des prêts à long terme pour financer des projets précis de reconstruction et plus généralement de développement économique quand les capitaux privés refusent de le faire.
    Depuis 1960, on assiste à une adaptation qualitative permanent et l’appellation Banque Mondiale désigne en fait trois institutions: la BIRD, l’Association Internationale pour le Développement (AID) fondée en 1960 dont les prêts sont réservés aux pays les plus pauvres, et la Société Financière Internationale (SFI) fondée en 1965 et spécialisée dans le financement des entreprises privées.
    La BIRD est ouverte à tout Etat membre du FMI. Ses ressources sont constituées de son propre capital, des obligations qu’elle émet sur les marchés des capitaux, de la vente de ses titres de prêt, des remboursements.
    Elle a également élargi la gamme de ses instruments financiers.
    De par ses statuts, elle ne peut financer que des projets productifs destinés à stimuler la croissance.
    Les prêts ne peuvent être consentis qu’à des Etats ou à des organismes garantis par l’Etat, ils sont octroyés en fonction de considération purement économiques, la nature politique du régime n’est pas prise en compte. Les prêts sont généralement à long terme (15-20 ans), ils ne représentent environ que le tiers du financement du projet et ils sont consentis à des taux légèrement inférieurs aux taux du marché international, ils jouent ainsi un rôle d’impulsion dans la réalisation des projets.
    Ils se doublent d’une assistance technique. L’aide est multilatérale et non liée.
    Après avoir prêté aux pays européens pour leur reconstruction, la BIRD s’est consacrée à financer les projets productifs des PVD.
    La stratégie de développement sous-jacente a été longtemps industrialiste: grands équipements industriels, grands équipements d’infrastructure.
    Depuis les années quatre-vingt, la BIRD s’attache davantage à financer les investissements qui peuvent améliorer le bien-être des populations. La crise de la dette des pays du Tiers-Monde a conduit la BIRD, en liaison avec le FMI, à financer des programmes de prêt à l’ajustement structurel.
    Institution internationale, la Banque Mondiale est donc aussi un intermédiaire financier international avec ses prêts, ses crédits et ses placements mais également un centre de calcul économique au service du développement.
    Elle publie chaque année un Rapport sur le développement dans le monde. Ses interventions sont multiformes: projets productifs, projets logistiques, projets sociaux, financement et ajustement sectoriel, financements globaux et ajustements structurels.
    Ainsi, elle promeut le rôle de la femme dans le développement, la réduction de la pauvreté, la défense de l’environnement.
    Centre d’analyse et de réflexion, elle est l’unité de coordination sur le développement à l’échelle mondiale; elle analyse l’endettement des PVD, la pauvreté et les moyens de la réduire. Les nouveaux thèmes de ces études sont les perspectives d’évolution de l’environnement, la transformation des systèmes économiques et plus généralement la dimension politique du développement.
    Elle participe enfin à des activités multilatérales avec le FMI, les banques régionales de développement, l’ONU, l’OCDE et des ONG.



    II) Les enjeux actuels

    La situation économique a changé depuis Bretton-Woods. Certains problèmes demeurent comme le déséquilibre des balances des paiements mais de nouveaux sont apparus.
    La mondialisation, la mobilité des capitaux internationaux, le développement et l’influence croissante des marchés internationaux de capitaux et l’interdépendance grandissante créent de nouveaux enjeux pour les institutions de Bretton-Woods qui doivent s’y adapter.
    Quel rôle doivent-elles jouer dans le nouveau SMI et pour régler les problèmes actuels?


    A) Mieux anticiper les crises dues au nouveau contexte économique.

    La clé de la mondialisation dans les années 1990 est la taille, la vitesse et la complexité des marchés de capitaux internationaux.
    Il existe de nouvelles règles et de nouveaux défis: il est désormais impossible de mener une politique macro-économique nationale et une crise financière dans un pays peut entraîner la chute de tout le système, c’est « l’effet-téquila » auquel on a assisté après la crise du peso mexicain sur certains marchés des PVD.
    Ceci amène le FMI à s’adapter au contexte de la mondialisation, surtout aux exigences des marchés financiers et à l’interdépendance croissante des économies.
    La spéculation et la mobilité du capital sont les deux obstacles majeurs à surmonter.
    Le rôle que le FMI a joué dans la crise du Mexique montre que, face aux marchés, on a besoin d’une institution susceptible de rétablir la confiance.
    Ce thème a fait l’objet de la réunion du G7 à Halifax en juin 1996. Un certain nombre de mesures ont été proposées pour assurer une plus grande efficacité du FMI:

  • instituer un dialogue plus étroit et plus continu entre le FMI et les pays membres afin de faire une analyse renforcée des risques auxquels exposent certaines politiques
  • une communication plus régulière des données économiques par pays membre afin que le FMI puisse déceler précocement les problèmes ainsi qu’une utilisation accrue par le FMI des données des marchés de capitaux
  • une attention accrue dans le cadre de la surveillance par le FMI, aux politiques financières des pays membres et à la solidité de leur secteur financier (dépendance par rapport aux flux de capitaux).
  • il doit être en mesure de minimiser la réaction des marchés financiers en aidant le pays concerné à « corriger » rapidement sa politique économique
  • coordonner la restructuration de la dette des pays insolvables
  • la mise en place d’un mécanisme de financement d’urgence pour permettre au Fonds de répondre rapidement aux crises
  • une fusion entre la BIRD et le FMI a également été proposée pour cumuler les avantages des deux institutions. Le FMI concentrerait la gestion monétaire et économique mondiale et la Banque s’occuperait des projets et des prêts en se basant sur les politiques économiques pour les PVD. Cependant, cette possibilité semble pour l’instant exclue en raison des nombreuses résistances.

    Face aux transformation de l’économie mondiale, le FMI dispose de deux instruments:
    les consultations, c’est-à-dire l’examen systématique de l’évolution et de la politique économique du pays membre concerné et l’effet de cette dernière sur le taux de change et la balance des paiements, et les perspectives de l’économie mondiale. Le FMI doit retrouver son rôle de surveillance du SMI afin de rétablir la coordination entre les pays, la convergence et la stabilité.

    B) Réévaluer leurs ressources.

    Afin de faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international, le FMI doit disposer d’un niveau de réserves suffisant.
    En outre, il réexamine ses ressources afin de déterminer si elles lui permettent d’intervenir rapidement en cas de crise. Il étudie la révision des quotes-parts, le réexamen des modalités d’utilisation des crédits auxquels il peut recourir dans le cadre des Accords Généraux d’emprunt et le montant de ces ressources, un mécanisme de financement d’urgence et enfin il s’intéresse au rôle que le DTS pourrait jouer à l’avenir.
    Le dollar est concurrencé par le Mark et le yen et l’échec du SMI de Bretton-Woods prouve que l’utilisation d’une monnaie nationale comme monnaie de réserve et de règlement est une erreur.
    Une monnaie internationale rendrait plus commode l’évaluation des échanges (comme mode de facturation), leur paiement et leur financement. Elle constituerait une monnaie de réserve.
    En 1969, les DTS constituèrent une création pure et simple de réserves internationales attribuées aux pays en fonction de leur quotas. Mais les DTS ne sont pas une monnaie, c’est un droit à se procurer des monnaies en excédent dans les réserves des pays excédentaires.
    Une nouvelle allocation de DTS nécessite une coordination politique à l’échelle internationale pour qu’elle ne soit pas source d’inflation importée et est un enjeu de taille puisque le FMI est le seul réservoir officiel de moyen de financement mis à la disposition des PVD et des pays en transition.
    Mais pour élargir le rôle et les ressources des institutions de Bretton-Woods, celles-ci doivent d’abord se montrer efficaces.
    Or, elles ne le sont pas pour l’instant à cause notamment du poids de la bureaucratie qui alourdit les procédures.
    Une réforme de leur organisation interne s’avère donc nécessaire. Un contrôle plus strict de leurs dépenses permettrait de disposer de plus de ressources.
    Une coopération plus étroite avec l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) doit également être envisagée. Le problème principal actuellement est la différence entre les objectifs et la contrainte de participation.
    En effet, le FMI a perdu son pouvoir de contrainte sur les pays industrialisés et il dépend des intérêts politiques des principaux actionnaires pour ses ressources (Etats-Unis, Japon, Union Européenne).


    En conclusion, les institutions de Bretton-Woods doivent concentrer leur action sur des projets à long terme comme l’éducation, la santé, etc. et permettre une intégration rapide des pays en difficultés sur les marchés privés de capitaux afin d’assurer leur intégration économique, minimiser les risques de crise et assurer ainsi la stabilité macro-économique tout en réglant le problème de la dette.
    Même si leurs fonctions ont évolué, les objectifs restent les mêmes: veiller à la stabilité monétaire dans le nouveau SMI, promouvoir la coopération économique internationale pour favoriser l’expansion économique et le libre-échange, ceci en relation avec l’OMC.